Le toyotisme
1. LE KANBAN OU SYSTÈME DE PRODUCTION « JUSTE-À-TEMPS »
Une innovation marquante de Toyota est la mise en place du système de production appelé kanban ou « juste-à-temps ». Le principe est de créer un flux tendu de production à toutes les étapes du processus. L’objectif central est de diminuer les coûts liés aux stocks entre les lignes de fabrication et les ateliers. Les lignes de fabrication doivent être synchronisées au rythme du montage final.
Chez Toyota, on inverse les méthodes de programmation de la production en raisonnant de l’aval vers l’amont. L’ouvrier de « bout de chaîne » muni de la commande du client fait remonter ses besoins vers l’avant-dernier ouvrier et ainsi de suite jusqu’à la fonderie pour le moteur et les autres « pièces de base ». Des kanban, fiches de papier indiquant le nombre de pièces à produire ou à livrer, sont introduites en 1953 dans l’entreprise.
Ce kanban apparaît en réalité comme un système d’information pour la gestion de la production qui vise à éviter toutes productions excessives.
Il est indissociable de trois grandes caractéristiques de l’organisation productive de Toyota :
· l’autonomisation des lignes de fabrication qui doivent être capables de s’interrompre en cas d’anomalies afin de limiter la production de pièces défectueuses ;
· un rythme de production régulier permettant la contraction des stocks et un effectif stable sans surcapacité ;
· la « production mixte », c’est-à-dire la capacité d’une même ligne à produire des modèles différents, le volume de production commandé pouvant varier.
2. UNE COORDINATION ÉTROITE AVEC LES FOURNISSEURS ET LES CONCESSIONNAIRES
À ses débuts, contrairement à ses concurrents américains, Toyota ne pouvait pas réaliser d’économies d’échelle dans la production de ses composants, ni se permettre d’être propriétaire de ses fabricants de pièces détachées. L’entreprise a alors massivement opté pour des fournisseurs extérieurs, y compris pour des composants complexes (systèmes de freinage, d’injection de carburant, phares…).
Toyota noue des relations de long terme avec ses fournisseurs. Le contrat de fourniture est conclu lors du lancement de la production du modèle, le prix unitaire d’une pièce est fixé à l’avance par négociation. Si le modèle marche moins bien qu’anticipé et que la demande adressée au fournisseur est inférieure à ce qui était prévu, Toyota lui offre des compensations.
Plus largement, Toyota met en place des relations qui conduisent à un partage des risques et des profits avec ses fournisseurs.
Par ailleurs, le choix des fournisseurs se fait pour chaque modèle, ce qui maintient un certain degré de concurrence entre eux.
Toyota noue également des relations de long terme avec ses concessionnaires. Ces derniers vendent exclusivement la marque. Ils notent les exigences de la clientèle et les font remonter chez Toyota qui en tient compte dans l’élaboration des nouveaux modèles. Un système de commande-production est en place : pour partie, Toyota produit ce que les concessionnaires ont promis de vendre. Ce système est associé à une planification minutieuse de la production (tous les dix jours) afin de la niveler.
3. LE RÔLE MOTEUR DU KAIZEN (AMÉLIORATION CONTINUE) DANS LES PERFORMANCES DE TOYOTA ET LA CULTURE DE LA QUALITÉ
Le kaizen dit volontaire réside dans un système de suggestions qui remontent des agents et dans la participation à des cercles de qualité qui ont vocation à améliorer les connaissances et l’implication des individus.
Le kaizen dit contrôlé réside dans l’imposition aux ateliers d’une réduction du temps standard comme norme de kaizen. Il passe par la mise en concurrence des ateliers : lorsqu’un certain nombre d’ateliers parviennent à améliorer significativement l’efficacité productive, la norme est étendue à l’ensemble de l’entreprise. La capacité à améliorer l’efficacité productive, à faire mieux que la norme, est rémunérée, elle est une composante substantielle du salaire.
4. LES TRANSFORMATIONS RÉCENTES CHEZ TOYOTA, CONTINUITÉ OU RUPTURE ?
La stratégie de réduction permanente des coûts à volumes constants exige dans un cadre analytique régulationniste (Boyer) à la fois une pertinence externe et une cohérence interne. Elle a été bien adaptée au mode de croissance japonais, fondé dans les années 1970 sur le développement des exportations et la recherche d’une compétitivité prix, facilitée à l’époque par la sous-évaluation réelle du yen. Jusqu’en 1985, Toyota a pu accroître ses ventes. Au plan interne, le système repose sur un compromis de gouvernement d’entreprise longtemps stable, mais très dépendant du statut central du travail dans la société japonaise. Ce compromis éclate à la fin des années 1980 lorsque les jeunes Japonais se détournent d’emplois industriels, jugés trop pénibles et dangereux.
Toyota fait face à d’importantes difficultés de recrutements au Japon. Les salariés refusent de plus en plus les heures supplémentaires, les contremaîtres refusent de suppléer les défaillances des jeunes recrues dont le turn-over grandit.
Toyota remet alors en cause, en concertation avec les syndicats, trois piliers de son système : le système de salaire et de promotion, les heures supplémentaires journalières non programmées, les chaînes de montage sans stock intermédiaire. Elle réduit la part des salaires dépendant de la réduction des temps standard par les salariés eux-mêmes. On met en place un système de deux équipes de jour sans possibilité d’heure supplémentaire au-delà des huit heures, on baisse la durée annuelle du travail, on effectue un découpage les chaînes de production en tronçons séparés par des stocks tampons. Toyota adopte au Japon le système qu’il avait mis en place en Occident. Beaucoup considèrent que cette rupture marque la fin du toyotisme.
Pour Shimizu (2000), l’application rigide des principes ohniens est bel et bien rejetée chez Toyota, mais l’entreprise poursuit le même objectif de réduction des coûts par d’autres voies (diversité des modèles et standardisation des composants, importance plus grande accordée à l’innovation – modèle Prius à moteur hybride dès 1997).
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